Inès Edel-Garcia et Lucence Ing
Samedi 5 novembre 2016, nous sommes allées passer la journée au Havre. Pourquoi ? Pour voir la toute récente exposition “L’autre continent. Artistes, femmes, africaines” qui se tient au Museum d’histoire naturelle. Alors qu’au Musée du Quai Branly s’ouvrait début octobre l’exposition “The Color Line : Les artistes africains-américains et la ségrégation”, le Museum d’histoire naturelle du Havre met quant à lui en lumière le travail de femmes artistes africaines. Si le musée où a lieu l’exposition porte encore en lui une forte connotation néo-coloniale et peut sembler peu adéquat à la présentation d’artistes contemporaines, on ne peut que louer le choix d’un tel sujet d’exposition, encore trop peu exploré aujourd’hui.
Deux artistes sud-africaines nous ont particulièrement marqué : Sue Williamson et Zanele Muholi. La première travaille sur l’apartheid et sur le racisme qui traverse toujours la société sud-africaine. Elle compose, dans les années 1980, une série de montages (des mélanges de photographies, de collages, de dessins et d’impressions), intitulée A Few South Africans. Elle présente des femmes noires célèbres ou de simples anonymes, dans leur quotidien marqué par l’injustice et la haine raciale, comme la première femme diplômée d’Afrique du Sud, une cuisinière travaillant pour une famille blanche, ou encore une guérisseuse. Elle travaille également avec de la vidéo, sous une forme plus documentaire. Ainsi, deux films étaient projetés dans l’exposition : It’s a pleasure to meet you, qui est l’entretien avec deux personnes racontant leur propre entretien avec le bourreau de leur père et questionnant la possibilité d’un pardon ; What is this called freedom ?, qui filme une discussion entre trois femmes d’une même famille, trois générations différentes qui s’interrogent sur ce qu’est la liberté, qui racontent les oppressions et les humiliations qu’elles ont subies et subissent encore.
Extrait de It’s a pleasure to meet you
Zanele Muholi, quant à elle, est une photographe, dont le travail consiste à déconstruire les préjugés sur les personnes LGBT+. Being, une série de photographies en noir et blanc et couleur, projetées sur un grand mur blanc par un rétroprojecteur, présente ainsi des couples de lesbiennes, dans leur relation quotidienne et dans leur intimité.
Extraits de Being
Une autre artiste, Virginia Chihota, née au Zimbabwe et vivant actuellement au Monténégro, fait preuve d’un engagement politique fort. A l’aide de peinture, de collages, utilisant la sérigraphie, l’artiste travaille en profondeur sur le déracinement, l’exil, en représentant de grands personnages aux formes sombres, baignant dans de larges cercles rouges, ou tentant d’arracher des fleurs du sol.
Toiles de Virginia Chihota
Outre ces artistes à l’engagement politique fort, d’autres font un travail remarquable, ainsi Seni Awa Camara, qui travaille l’argile et forme de grandes statues en terre cuite, représentant des êtres difformes, dont les corps sont composés d’autres êtres aux yeux vides et au sourire démoniaque.
Autre intérêt de l’exposition, elle permet de donner de la visibilité à l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibition), qui vise à faire connaître et à valoriser le travail des femmes artistes du XXème siècle, dont la fondatrice, Camille Morineau, est ici la commissaire d’exposition.
L’Autre continent. Artistes, femmes, africaines
du 15 septembre au 31 décembre 2016
Museum d’histoire naturelle du Havre