Aventure au PMU

jeudi, février 11, 2016 1 Permalink

Camille Lévy

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Dimanche 15h40, station Faidherbe-Chaligny. Nous voici parties toutes les quatre vers le bar PMU repéré par Inès.

Notre objectif aujourd’hui était de passer quelque temps dans un bar fréquenté en majorité par des hommes, d’ouvrir un contact avec le barman et éventuellement les habitués, d’observer les interactions et les réactions que provoque notre présence, et finalement d’essayer de comprendre les mécanismes qui expliquent cette polarisation masculine du bar.

Lorsque nous entrons dans le bar, il n’y a pas de place sur les tables, nous nous installons donc au bar et commandons cafés et limonade. Nous sommes restées trois-quart d’heure accoudées au comptoir.

Une trentaine d’hommes est répartie sur l’ensemble du bar. Entre trente et soixante ans, vêtus de doudounes grises ou noires, en grande majorité issus de minorités visibles. Les seules femmes que nous apercevons restent à l’entrée du bar, pour acheter du tabac. D’ailleurs, du côté du personnel, c’est une femme qui s’occupe du tabac et un homme du bar. La séparation spatiale entre ce qui semble être la partie des hommes et celles accessibles à tous correspond à la limite entre l’espace du grand public et celui des habitués.  

Ils sont tournés vers l’écran de télévision au fond du bar qui diffuse des courses hippiques. De notre place au comptoir, nous entendons les encouragements donnés aux chevaux : « Allez fiston, allez les deux rouges », le numéro des casaques en tête de course, des exclamations de joie ou de déception à la fin des courses, une odeur de tabac qui persiste malgré l’interdiction de fumer : les clients font de nombreux allers-retours entre le fond du bar et l’extérieur, notamment pour aller fumer. Les habitués du bar sont clairement là pour les paris : une machine permet de parier à distance, une second écran permet d’obtenir des informations sur la course suivante.  

Ceux qui ne parient pas sur les courses hippiques s’intéressent aux jeux à gratter.  

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Les personnes attablées derrière nous semblent nous dévisager avec étonnement. Il faut dire que nous détonons : nous sommes les seules femmes à l’intérieur du bar et probablement les plus jeunes clientes.  Le barman écoute d’ailleurs discrètement notre discussion sur les agressions sexistes que nous avons subies dans les transports.Après une discussion avec ce dernier, nous apprenons qu’il y a plus de femmes le matin en semaine, avant le début de leur travail.  

Nous tentons deux incursions dans le coin des habitués. Lucence teste les toilettes du bar, qui ne sont clairement pas pensées pour une clientèle féminine.

Les toilettes sont au fond du bar, dans la zone des parieurs. Il faut demander un jeton au barman pour y accéder. Une fois entré-e, l’odeur attaque les narines. Il n’y a pas de séparation entre la pièce des toilettes proprement dite, et celle du lavabo. Les toilettes sont à la turque, il n’y a pas de lumière, mais on distingue des immondices de formes variées sur le carrelage blanc, un peu partout. Le sol, imprégné d’urine, colle. Il n’y a pas de chasse d’eau. La femme qui use ces toilettes ne peut donc que s’accroupir tant bien que mal pour se soulager, et se voit obligée de jeter son papier usagé dans une petite poubelle située près du lavabo. 

Quant à moi, je m’approche de l’écran de télévision pour observer le départ d’une course. Un homme d’environ soixante-dix ans m’interpelle alors avec un sourire : « Vous pariez ? » Je lui répond par la négative mais explique que j’aime regarder les courses de galop. « C’est un beau sport » me répond-il. Le dialogue s’arrête là, mais j’essaierai de parier avec les habitués lors de ma prochaine visite. Je suis curieuse de voir leur réaction à une incursion plus poussée dans un espace apparemment exclusivement masculin.

Notre objectif est de revenir régulièrement, individuellement ou en groupe, à différents moments de la journée et de la semaine, d’habituer les clients à notre présence et d’entamer un dialogue avec eux pour comprendre cette écrasante domination des hommes à l’intérieur du bar.

 

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