Tou-te-s au café dans le 18ème !

vendredi, août 12, 2016 0 No tags Permalink

Inès Edel-Garcia

         Nous sommes le 10 juillet, il est 16h30. Dans un climat brûlant, les parisien-ne-s se préparent pour la finale de l’Euro. Les passant-e-s et automobilistes s’agitent à dose de klaxons et de sifflets.

         Nous avons rendez-vous à la station Marx Dormoy (ligne 12 du métro). Nous sommes trois jeunes femmes entre 22 et 26 ans. Le café Hôtel de la Poste de la rue Riquet, où nous devions nous rendre initialement, est fermé. Nous nous installons finalement à l’intérieur du Café de la Poste, à l’angle de la rue Ordener et du Boulevard de la Chapelle.

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         Le Café de la Poste est un bar assez grand, et à cette heure de la journée, il n’est que relativement fréquenté. Notre présence n’étant pas doublée d’un effet de promiscuité, l’impact de notre interpellation n’est pas aussi fort qu’escompté.

         Néanmoins, nous profitons de ce rassemblement pour discuter toutes les trois de nos expériences respectives dans les espaces urbains, telle une « psychanalyse des harcelé.e.s ».

« Dans un collectif et en mouvement, ça va, mais seule et à l’arrêt, ce n’est pas possible »

         L’une d’entre nous raconte comment elle a été suivie par un même jeune homme durant toute une semaine, entre son lieu de travail et son domicile, avant de sortir de ses gonds dans le RER pour s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Elle se remémore aussi les stratégies d’évitement qu’elle déployait plus jeune avec ses amies, comme le fait de « se faire moche pour survivre » dans la rue. Lorsqu’on l’embêtait, elle allait jusqu’à menacer son harceleur de faire venir son grand frère. Rétrospectivement, elle réalise qu’elle s’est véritablement endurcie avec l’âge. Toujours aujourd’hui, elle ne se promène pas dans la rue sans ses écouteurs, seule garantie contre les propos des relous.

        Nous évoquons aussi des actions éventuelles à mener, comme le fait d’organiser des événements (diagnostic en marchant, tout-e-s au café) en dehors de Paris intra muros. Cela pourrait par exemple avoir lieu dans des villes dont certain.e.s de nos militant.e.s sont originaires pour bénéficier de leurs connaissances du territoire. Par ailleurs, nous nous demandons si l’on ne pourrait pas complexifier le diagnostic des marches exploratoires en multipliant les points de vue portés sur les quartiers étudiées, par l’ouverture à des gens qui les pratiquent régulièrement aussi bien qu’à des personnes qui les découvrent pour la première fois.

         Avant de quitter le bar, nous cherchons à entrer en contact avec les gérant-e-s et certains clients. La femme qui se trouve derrière le comptoir nous explique qu’ « il n’y a pas de femme dans ce quartier ». Cette affirmation n’est pas à prendre pour argent comptant, car il y a sans doute autant de femmes que dans les autres quartiers. En revanche, ce témoignage montre que les femmes ne sortent pas et que de ce fait, elles sont invisibilisées dans l’espace public. La gérante avoue que sa clientèle est principalement masculine et qu’elle aimerait voir plus de femmes dans son bar. Elle finit par ajouter : « Que ce soit des hommes ou des femmes, ce sont des clients et je les sers ! ». Nous tentons d’approcher un premier client mais celui-ci nous fait signe qu’il ne parle pas le français. Nous nous dirigeons donc vers un second client, accoudé au comptoir et sirotant un panaché. Il n’est pas très loquace et ne saisit pas très bien où nous voulons en venir avec nos questions sur l’absence de femmes dans ce bar. Amusé, il finit par nous dire : « Je n’ai pas de femme, mais si j’en avais une, je l’emmènerais ici avec moi ! ».

 

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